Rhum-cannelle

Le plaintronien accoudé au bar sirotait son Rhum-cannelle d'un air songeur. Il fixait la baie vitrée et le ballet hypnotique du tram aérien qui filait silencieusement entre les immeubles scintillants. Le réseau ne descendait pas au-dessous du 50e étage, ce qui permettait aux hauts fonctionnaires comme lui de se déplacer sans avoir à toucher le sol brûlant, presque 300 mètres plus bas où les taudis s'entassaient contre les fondations de la ville dans une atmosphère irrespirable.

Il semblait songer à quelque réunion importante du ministère situé juste en face. Enfin, c'est ce que croyait le barman. Il ne pouvait deviner qu'en fait, l'individu ne voyait pas la vitre derrière ses lunettes noires. Celui-ci consultait une liste de fichiers affichée en transparence sur ses verres holographiques. Le transcom implanté derrière son oreille gauche lui transmettait le rapport d'un de ses agent à l'Etat-major Ozoïdien. Son visage restait impassible mais il sourit intérieurement : son opération était sur les rails.

L' empereur Ozoïde venait d'approuver le plan de son premier conseiller. Dans quelques heures commencerait les arrestations et les rafles de jamozoïdes dans toute la galaxie. Cette petite communauté de marchands pacifiques mais prospères détenait des capitaux alléchants et une bonne partie de l'industrie ozoïdienne.

Le verre était à présent à moitié vide. L'homme se félicitait de la cupidité de ce peuple belliqueux et cruel. Ceux-ci étaient de valeureux guerriers mais de piètres diplomates, les deux allants rarement de paire.
Devant la spoliation des braves jamazoïdes, les autres peuples, avec humains et magumars en tête, prendraient vite peur que vienne leur tour.
En moins de six mois, ils s' uniraient contre le dangereux ennemi ozoïdien; dès lors, la coalition aura tôt fait de détruire la menace. Et lui, brave ambassadeur hors de soupçons serait en première ligne pour récupérer les morceaux de l'empire détruit.

Les glaçons touchèrent le fond du verre en tintant.
Son déguisement était épatant. Nul ne pouvait se douter que son visage buriné était le résultat de chirurgie plastique. Le brave docteur avait fait un travail remarquable mais par une étrange coïncidence, il était mort deux jours à peine après l'opération. Crise cardiaque foudroyante...
"Il est regrettable, songea-t-il, qu'il fût si bavard sous l'emprise de l' alcool..."
Ainsi, personne ne savait qu'il était bien pire qu'il en avait l'air, bien pire même qu'un de ces stupides ozoïdiens car il était... Humain !

Il finit son verre et le barman lui apporta une planchette sur laquelle il apposa sa main. Le terminal bancaire s'éclaira aussitôt pour confirmer la transaction. Son compte fût aussitôt débité d'un crédit fédéral; somme dérisoire compte tenu des millions qu'il possédait et des milliards qu'il aurait bientôt.

Mais l'argent n'avait pas d'importance, seul comptait le pouvoir.

Un membre du Culte se cacherait il sous ce RP?
En tout cas, on va pouvoir communiquer par transcoms...

Très beau boulot sinon, ça donne envie de voir quel plan machiavélique l'étrange humain a bien pu pondre...
Mais faites gaffe, rien n'échappe aux KI-0.

Belle histoire. Félicitation.
J'ai eu le vertige rien qu'en lisant la hauteur .... J'ai fermé les yeux comme pour le 5ème éléments!
Il est inscrit sur la porte du tram "Ne pas sortir en marche et sans parachute" On sait pourquoi.
Bravo

J'aime beaucoup
Très bien écris, avec beaucoup de fluidité. Bref et en même temps inventif et original. Nouvelle rondement menée !

[NOTA: ce chapitre est la suite du précédant mais peut être lu seul car il respecte les critères du concours. Suite à de bonnes critiques, je propose le prolongement de la saga.]

CHAPITRE II : Mauvaise nouvelle, nouvelles perspectives

L' homme traversa la pièce en quelques pas. L' appartement n'était ni grand ni luxueux, seulement confortable. Aussitôt, le mur du salon commença à afficher des images en relief accompagnées de courtes légendes. La voix monocorde d'une journaliste débitait les actualités sans interruption tandis que l' homme approchait du bar. Il n'écoutait pas pendant qu'elle commentait la fluctuation des cours de la bourse fédérale et il se servit un verre.

A l' énoncé d' un nom, il suspendit son geste et se retourna. La voix était passée à la rubrique des faits divers :
" ... poignardé à mort. La famille s'est déclarée choquée et surprise car le riche banquier n' avait pas pour habitude de fréquenter ce quartier dangereux du sud de la ville. D'après la police, les chances de retrouver l'assassin sont faibles..."

L' homme emporta son verre devant la fenêtre panoramique en songeant que la rumeur qui circulait autour de ce jamazoïde prétendait qu'il jouait parfois gros aux cartes et pas forcément avec des gens très fréquentables, ce n' était donc pas une surprise totale, n' est-ce pas ?..." Il ignora l' horrible reflet de son visage plentonien boursouflé dans la vitre pour contempler au travers une vue spectaculaire sur le quartier est de la ville.

Au sud et donc sur sa gauche, il ne voyait que la plaine brumeuse et ses installations industrielles crasseuses jusqu'à l'horizon. A l'est , cette vue morne et déprimante était coupée par une colline dont il ne se rappelait pas le nom. La masse sombre des habitations ouvrières et des dépôts d'ordures s'étalait comme une marée noire jusqu'à son pied. La colline était nue, à peine couverte de quelques mousses et lichens qui se disputaient les creux à l'ombre. Il savait que sur son versant opposé se tenait la première mine exploitée sur cette planète. Plus aucun minerai n'en avait été extrait depuis plus de soixante-dix ans.

Depuis que les mines avaient déménagé vers les falaises de l'autre coté de la ville, on y enfouissait les déchets toxiques de la colonie dans des conditions douteuses. Le gouverneur avait beau répéter que c'était sans aucun danger, tout le monde savait que le sous-sol était empoisonné sur des kilomètres à la ronde. Bien sûr, les écologistes de l'opposition exigeaient des analyses de la nappe phréatique, alors des experts circonspects payés par la ville venaient prélever quelques échantillons et repartaient aussitôt les poches pleines de crédits fédéraux en concluant qu'il n'y avait pas de danger pour la population.
Alors les cyborgs continuaient d'enfouir et les gens de mourir.
Enfin, c'était la vie...

La voix off continuait d'annoncer d'un ton neutre les résultats sportifs et le bilan des jeux olympiques. Le diplomate buvait son Rhum épicé à petites gorgées en se disant que les seules choses positives que les hommes avaient héritées de leurs ancêtres terriens, c'était le Rhum et les jeux olympiques.

Il tourna la tête vers le nord pour regarder l'immeuble qui bouchait à moitié la vue. Des appartements luxueux de notables et de bourgeois le dominaient, plusieurs étages au-dessus de lui. Il pensa alors que l'un d'eux resterait vide ce soir; et qu'il était devenu depuis peu l'actionnaire principal de la troisième plus grosse banque de la planète.

[NOTA : ce chapitre est destiné comme le précédent aux amateurs de Rhum-cannelle. Cette histoire est le premier RP que j'écris donc n'hesitez pas à commenter.]


CHAPITRE III : Conseil des Nations

En franchissant les contrôles de sécurité, il comprit que des chefs d'Etats s'étaient déplacés. Le Conseil des Nations occupait un gigantesque complexe en plein centre-ville. Cette ville dans la ville occupait presque le quart du quartier des affaires de la capitale. Et ces temps-ci c'était une vrai fourmilière grouillante de soldats en armure et de gardes impériaux, silhouettes inquiétantes dans leurs longs manteaux noirs. Le diplomate avait vu les forces spéciales de la police fermer la station de tram aérien et occuper les immeubles voisins. En levant la tête, il pouvait voir un essaim de drones qui tournaient loin au-dessus comme des moucherons surveillants un énorme soufflé. Il y a bien longtemps qu'on n'avait été si nerveux dans ces murs.

Le Conseil des Nations était sur le pied de guerre et il pourrait facilement tenir un siège.
"Mais le siège est à l'intérieur et nulle police ne pourrait l'empêcher.", rêvait-il en rejoignant la délégation plentronienne dans le grand auditorium. La salle était comble à l'exception des empereurs et chefs d'états qui brillaient par leur absence.
Mais lui n'en fût pas surpris, il savait que les puissants préféraient se rencontrer dans l'ambiance feutrée d'un bureau, bien au-dessus de leurs têtes et loin de l'agitation et des déclarations théâtrales du niveau 50.

L'assemblée hostile fixait la tête reptilienne de l'Ambassadeur Ozoïdien en attendant ses explications sur les rapports d' attaques, de rafles et d'arrestations perpétrées contre les Jamazoïdes. Il cherchait à se justifier en rejetant la faute sur les jamazoïdes, soit-disants auteurs de provocations scandaleuses contre son peuple... Mais plus il gesticulait en essayant de noyer le poisson sous des mensonges haineux, plus la colère de la foule montait. Les Jamazoïdes étaient appréciés de tous les peuples représentés.
Bientôt les rumeurs et les sifflements se muèrent en un grondement assourdissant qui noyait complètement la voix sifflante de l'Ozoïdien bien qu'il continuât encore à se débattre, debout, sur son estrade pour couvrir le vacarme, seul au milieu de la tempête.

Le président du conseil, un petit bonhomme charismatique, ne parvenait pas à rétablir le silence malgré les hurlements qu'il poussait dans le micro, menaçant de suspendre l'audience. En quelques minutes, des formes noires apparurent de chaque côté de sa tribune. Les gardes impériaux gravirent les gradins en file indienne avec un calme et un silence à faire froid dans le dos. Ils encadrèrent l'Ozoïdien sans un mot pour l'isoler des flots en furie puis l'escortèrent vers une sortie et s'évaporèrent aussi vite qu'ils étaient apparus.

Un individu était satisfait dans l'hémicycle: il était assis trois rangs derrière le chef de la délégation plentronienne et restait impassible dans la cohue. Les événements se déroulaient encore mieux qu'il ne l'avait espéré grâce à l'incompétence du reptile qui venait de quitter le bâtiment. La haine était décidément la meilleure des armes. Il sortit une flasque de son manteau avant d'y boire une rasade. La chaude boisson parfumée se répandit dans son corps et il ne put réprimer un frisson de plaisir.

CHAPITRE IV : attentat

Au dernier étage d'un immeuble du centre-ville, une étrange procession remontait un couloir. La partie supérieure de l'édifice était occupée par les locaux d'un trust financier interstellaire. En tête du convoi, quatre jamazoïdes hagards, les yeux vides, parcouraient le tapis à pas lents. Derrière leurs gardes du corps, une troupe mixte d'humains et de magumars leur emboîtaient le pas. A leurs vêtements raffinés et leur prestance, on les identifiait immédiatement comme appartenant à la classe supérieure, riche et puissante. Ils l'étaient en effet puisque près d'un tiers des colons de la planète travaillait pour eux directement ou indirectement. Peu après, ils franchirent un seuil et se trouvèrent dans une salle de réunion qui offrait une vue vertigineuse à cent quatre-vingt degrés sur la capitale.

Comme le bâtiment était le plus haut de la planète, les hommes présents avaient droit à un privilège rare: une large bande de ciel turquoise au-dessus de la forêt des antennes radio. Cependant, aucun d'eux ne prêtait attention à la vue lorsqu'ils s'assirent autour de la table.
Le président, un grand magumar à l'air distingué, prit la parole et s'adressa aux jamazoïdes hébétés qui lui faisaient face.

- "Messieurs, vous connaissez l'objet de la réunion et les modalités de l'accord..."
Les quatre individus acquiescèrent en silence sans lever les yeux. On apporta quatre tablettes en carbone. Ils apposèrent leur main l'un après l'autre sur la surface lisse et dure. En moins d'une seconde, ils venaient de vendre leur empire économique pour à peine le dixième de sa valeur.
Brisés et désespérés, ils quittèrent la salle sous le regard pesant de l'assistance.
Lorsque la porte se ferma derrière eux, un soupir de soulagement parcourut le conseil d'administration. Le grand magumar reprit la parole: "- Etant donné la guerre imminente, il nous faut revoir totalement notre stratégie d'investissement..."

Il ne termina jamais sa phrase car au même instant une détonation assourdissante ébranla le quartier.

Non loin de là, un plentronien solitaire prenait l'air à une terrasse du Conseil des Nations. Accoudé à la balustrade, il tirait sur sa cigarette en observant le nuage de fumée et de poussière qui coiffait l'immeuble devant lui.
Les dix derniers étages du bâtiment étaient pulvérisés. L'élégante silhouette du gratte-ciel était décapitée comme un fer de lance brisé.

Il tira une dernière bouffée et jeta le mégot encore fumant dans le vide.
Il se détourna. Maintenant, il avait soif.

CHAPITRE V : Defcon 3

L'officier de garde regarda le téléphone qui s'était mis à sonner. Le combiné blanc encastré dans la console clignotait d'une lumière rouge en émettant un son strident. C'était un antique modèle avec un combiné filaire et un cadran numéroté. Depuis des siècles, on n'avait pas trouvé plus sûr qu'un authentique fil de cuivre téléphonique blindé au titane.

De toute sa carrière, il ne l'avait décroché que deux fois. Il savait parfaitement d'où venait l'appel car c'était une ligne directe qui descendait des étages supérieurs. Il inspira profondément et composa son matricule sur le cadran et décrocha sans hésiter.
"- Salle des opérations, parlez" répondit-il mécaniquement.
Son moniteur afficha alors l'image d'un bureau luxueux mais sobre dans le bâtiment de la fédération. Au centre, derrière une table en acajou, il voyait distinctement un homme : le chef de la fédération des hommes libres, son patron. De part et d'autre de cet homme, il y avait d'autres hommes en costume mais il ne les reconnaissait pas. Les visages qu'il voyait, graves et résignés, lui rappelèrent une image qu'il avait étudiée pendant sa licence d'histoire des religions : La Cène.

" - Lancement immédiat de l'opération Renaissance, phase I."
L'officier accusa bonne réception et raccrocha.
En levant les yeux, il contempla l'espace devant lui. Le bunker était encore calme mais ne le resterait pas longtemps. Le silence était seulement troublé par le cliquetis des claviers et le murmure des opérateurs.

Il contemplait la galaxie au dessus de lui sur l'écran parabolique qui couvrait le plafond.
Des milliers de points figuraient étoiles, planètes et vaisseaux de guerre.
Encastrée dans le mur opposé se trouvait une lourde porte blindée. Il espérait bien qu'elle ne s'ouvrirai jamais. Derrière cette porte, au bout de cinq kilomètres de galerie et de fibre optique, se trouvait un autre bunker en tous points identique au premier. Personne ne savait où se trouvait exactement cette salle obscure mais il pensait qu'elle devait être quelque part sur l'autre versant du massif rocheux. Pour la voir il faudrait que la situation dégénère sérieusement à la surface car seule une attaque des bâtiments de la fédération -- plus ou moins au-dessus de la salle des opérations -- permettrait d'ouvrir cette porte.

S'arrachant à sa rêverie, l'officier commença à pianoter sur sa console pour exécuter l'ordre qu'il venait de recevoir. Il n'avait jamais entendu parler d'une opération Renaissance et il ignorait donc tout de la phase I. Heureusement, l'ordinateur saurait, lui.

Deux heures après, il envoya un court message à un homme qui se faisait appeler "Rhum-cannelle".

C'est ton premier RP?

Je suis vraiment impressionné...On peut relever ici et là quelques erreurs mineures (je t'en ferais une liste si tu y tiens absolument), et tu commet la même erreur que 99% des auteurs (dont moi) c'est à dire que connaissant ton propre RP, tu restes beaucoup trop allusif dans l'évolution des phases de l'histoire.

Mais le style est à bien peu de choses près impeccable -je sais pas si c'est un compliment, mais des fois on dirait du moi -, clair, concis. Tu ne fais pas les habituelles erreurs de ponctuation ou autre. C'est parfois un peu simple, mais la complexité viendra avec la confiance et l'expérience...
Non vraiment, pour un coup d'essai, c'est un coup de maître

(Contacte moi par mp ingame si un avis plus précis t'interresse...J'aimerais aussi te demander quelquechose.)